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Du vide, mais pas que…
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24 octobre 2010

Acte V : Pédaler, manger, boire, s’arroser, pédaler encoreeeeeeeeeeeeee

Je saute sur mon vélo, enfile mes chaussures, ferme les brides et donne mes premiers coups de pédale. Sur Ironman, on n’a pas le droit de rouler dans les roues (de drafter), il faut rester à 7 mètres derrière le concurrent précédent sous peine de disqualification. À Hawaii, cette règle est scrupuleusement appliquée, sauf sur la petite boucle qu’on réalise dans Kona. En effet, le niveau est si dense que c’est impossible. Alors que je m’attendais à un départ extrêmement rapide, je trouve que ça va nettement moins vite qu’il y a deux ans. Je bois un peu, me mets en position et attends la montée de Palani Road, dont la fin correspond au début de la longue partie sur la Queen K Highway : champs de lave, vent, montées etc. sont au programme. Palani Road passée, un long cortège de triathlètes fait donc route vers le Nord.
Et là, surprise (mauvaise surprise) : après quelques kilomètres, ça drafte beaucoup. Je suis très vigilant afin de ne pas me retrouver en mauvaise position, mais je suis très embêté : il y a beaucoup de monde, et je ne suis pas assez fort en vélo pour me débarrasser de tous ces gars-là. Il faut attendre que ça se décante, vers le 40e km probablement. En attendant, je suis souvent en dessous de l’allure prévue. Parfois, des types me doublent et se rabattent, je suis obligé de freiner parce qu’ils me coupent presque la route. Plus souvent, le différentiel de vitesse fait qu’il suffit de s’arrêter de pédaler et ils sont rapidement à sept mètres devant.
Au km 50, Anthony Philippe et Fabrice Houzelle, deux Français costauds, reviennent de derrière. On papote deux secondes. Anthony, qui en est à sa septième participation, me dit de rester vigilant. Puis tous deux s’éloignent peu à peu. Je suis tout d’abord tenté de les suivre mais ces gars-là sont des costauds, je n’ai pas le même niveau et il me faut rester raisonnable.
Les ravitaillements sont un moment où il faut rester vigilant : un concurrent peut lâcher une bouteille, si on roule dessus c’est la chute. Je m’asperge pour garder mon maillot mouillé, remplis mon aérodrink, mange régulièrement, une bouchée de barre, un morceau de banane. Bref, je suis sérieux. Et je m’ennuie.
Ce qui est terrible quand on a un blog tout nouveau, c’est qu’on pense, PENDANT la course, à tel ou tel détail que l’on pourrait raconter ou à telle formulation de phrase qui marcherait bien dans un compte rendu, APRÈS la course. Las, je crois avoir tout oublié… Mais c’est dire à quel point je ne suis pas concentré.
Le vent, est majoritairement favorable, jusqu’à ce que l’on quitte la Queen K pour aller vers Hawi, au nord de l’île, là où le demi-tour aura lieu. À partir de là, ça monte nettement et le vent devient défavorable. Franchement dévaforable. Les pros que l’on croise depuis un moment sont tous super beaux sur leur vélo, très bien posés, et rapides (ils sont en descente).
On est vers le km 70-75 et il y a toujours quelques paquets. Les rafales deviennent très violentes, il faut pencher le vélo sur la droite, contre le vent et souvent lâcher le prolongateur pour ne pas se faire emmener par une rafale. Le souvenir de 2008 est toujours là, ça n’avance pas, je ne me fais pas plaisir sur le vélo et la course commence à me paraître longue. Quand on regarde devant, on voit une interminable procession de galériens qui montent une longue côte sans fin, un genre de supplice de Tantale. Stéphane Coraboeuf, rencontré à Francfort en juillet, me dépasse. On papote deux minutes. Au demi-tour, je m’arrête à une cabine : je ne suis toujours pas dans la course.
Je remonte sur le vélo pour attaquer la descente. Le vent qui s’est levé en cours de matinée est vraiment violent, il faut se cramponner au vélo et le pencher (à gauche maintenant) quand les rafales arrivent. J’avais eu la trouille en 2008, là, je ne suis toujours pas fier, mais gère un peu mieux. À ces vitesses (plus de 65 km/h par endroits), il ne faut pas se rater ! Il faut boire ou manger entre deux talus, ou entre deux rafales. C’est stressant, mais un poil plus marrant que l’aller monotone malgré tout. Un type saute de roue en roue, éhontément. Je suis scandalisé. Quand je le passe, il fait de même. Je m’écarte alors rapidement sur la gauche, pour le mettre dans le vent, et un petit signe à base de majeur tendu (oui, je sais Maman, c'est pas beau) lui fait comprendre ma façon de penser ! Sale tricheur !
Yannick Henri, de Beaune, rencontré quelques jours auparavant me passe (oui oui, on me passe beaucoup à vélo !). On fait un peu causette, et je ne sais pas pourquoi, mais le voir me met du baume au cœur, me fait me sentir moins seul. Je m’accroche un peu, reviens sur lui, on repapote. Mais je me rends compte qu’il est concentré sur sa course : il faut le laisser en paix. Je fais alors un peu de maths… sur un vélo, en course, ce n’est pas facile… mais le résultat de ces opérations, c’est que je me situe vers le km 120, que je n’ai absolument pas mal aux jambes, que je suis parti pour faire un temps un peu meilleur qu’en 2008 et que, franchement, si je m’ennuie autant, c’est de ma faute. Je n’ai qu’à faire ce qu’il faut pour m’amuser…
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Je me mets donc à appuyer plus fort sur les pédales et à tourner plus vite les jambes. C’est comme si l’euphorie me gagnait. Et le pire, c’est que ça marche ! À partir de ce moment, j’ai l’impression de ne plus faire que doubler. Aucun cycliste ne s’accroche (enfin… je crois). Les watts sont plus élevés que prévus, mais tant pis. Un couinement se fait entendre au niveau de mon pédalier. Cela sera ma seule source d’inquiétude jusqu’au parc, j’espère qu’une manivelle n’est pas en train de se dévisser…
Je me limite un peu quand même (genre tellement que je suis facile, tellement que je suis fort…) parce qu’il reste un marathon derrière, mais je ne suis plus jamais en dessous de la moyenne prévue ! C’est très grisant. Je sais, au fond de moi, que le vent qui est censé être défavorable sur le retour est plutôt faible. Mais je vais plus vite que les autres concurrents. C’est que je suis plus costaud… on se rassure comme on peut !
Arrivé au parc à vélo, je suis ra-vi : 5h15, c’est grosso modo un quart d’heure de moins que prévu et vingt-cinq minutes de moins qu’il y a deux ans. Je descends de mon vélo comme une fleur, et me dirige vers la tente de transition.

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